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Événements du mois de mai

Sur le front du projet de parc éolien porté par la commune de Ruffieu, il se passe beaucoup de choses, mais il n’y a encore rien de définitif à annoncer. M. le Maire de Ruffieu, soucieux de ne pas trop passer « en force » avait donc lancé fin avril une consultation des conseils de 7 communes : Haut-Valromey, Valromey-sur-Séran, Arvière-en-Valromey, Champagne, Brénod, Champdor-Corcelles, Plateau-de-Hauteville. Si on y ajoute Ruffieu ce sont donc 8 communes dont les réponses à la question : « êtes-vous favorable / défavorable au projet » conduira Ruffieu à poursuivre ou à abandonner. M. Broussard (maire de Ruffieu) a placé la barre assez haut : il lui faut 5 « non » pour renoncer. Il semble considérer que les votes blancs équivalent à un « oui », et que l’équilibre entre « oui » et « non » serait également une autorisation à poursuivre… Ce n’est pas très conforme aux règles électorales mais attendons la fin des scrutins.

Naturellement nous avons été en contact avec les maires des communes en question, et/ou leur Conseil.

Puisque la presse locale a rendu compte du vote « non » (à l’unanimité des conseillers présents ou représentés) du conseil de Plateau-d’Hauteville qui a eu lieu le 31 mai, et de la teneur de la lettre envoyée par le maire de Ruffieu, on peut enfin confirmer les principales caractéristiques de l’opération :

  • 4 à 7 engins de 200 m de haut en bout de pale
  • Sur une surface forestière concédée de 1 700 hectares
  • Desservis par une route d’accès de 8 mètres de largeur

On pense que d’ici la mi-juin tous les résultats seront connus.

Dans tous les cas de figure un second round aura lieu en 2023-2024 dans le cadre de la loi « d’accélération » de mars 2023.

Actualité de ce début mai…

L’équipe de « Notre Valromey » avait demandé à M. le Maire de Ruffieu (ainsi que d’autres édiles des environs, qui pour le moment n’ont pas répondu) d’être reçue afin d’exposer son point de vue sur les projets (éventualités, perspectives, comme on voudra) éoliens sur les crêtes de Valorse.

 Cette entrevue a été fixée au 5 mai à 9 heures.

« Notre Valromey » y était représenté par trois personnes, dont le président et le trésorier. Appelons cela le Bureau. M. Broussard, maire de Ruffieu était assisté de la quasi-totalité de son conseil. D’où un léger parfum de tribunal mais ce n’est pas grave.

Après avoir exposé son analyse de la situation (bien connue par les différents articles consultables sur ce site) le Bureau de « Notre Valromey » a pu engager le dialogue avec le élus. Ceux-ci étant à 2 ou 3 exceptions près absolument convaincus de toute façon de l’intérêt de bâtir ce parc éolien, pour des raisons quelquefois assez disparates, ce dialogue n’a pas débouché sur des conclusions fructueuses.

D’autant que quelques « piques » inutiles tournant à l’attaque ad-hominem ont été également échangées. Ce qui ne nous avance à rien. Alors s’il fallait énumérer les quelques traits saillants de cette rencontre, ce seraient :

  1. Le conseil municipal de Ruffieu justifie son adhésion au projet éolien par les nécessités de la lutte contre le dérèglement climatique, dans laquelle il entend prendre toute sa part ; il n’est pas question que cette adhésion découle d’avantages financiers pour la commune (on se permettra d’être sceptique).
  2. Entre autres multiples arguments le Bureau de « notre Valromey » a insisté sur le fait que ce projet ne peut s’apprécier que sur le long terme, et qu’il est aventureux car nul ne sait quels seront les paramètres du marché de l’énergie dans 20 ou 30 ans.
  3. Le Maire de Ruffieu a déploré n’avoir pas été invité à la réunion publique du 31 mars (tout en concédant avoir trouvé l’invitation dans sa boîte aux lettres).
  4. Le même a confirmé avoir écrit aux Maires des communes limitrophes pour leur demander qu’ils consultent leurs conseils à propos du projet éolien de Ruffieu.
  5. Parmi ces communes il y a curieusement Brénod, pas du tout limitrophe, ni valromeysan, mais favorable autant qu’on sache à l’éolien.
  6. M. le Maire de Ruffieu s’est engagé publiquement à respecter les désidératas de ces communes consultées, sans qu’on sache quelle serait la règle de cette sorte de jeu électoral ; l’atmosphère un peu confuse de la fin de la réunion n’a pas permis d’éclaircir ce point.

Pour enchaîner sur la suite des évènements, on peut annoncer que « Notre Valromey » rencontrera, pour parler d’autre chose,  Mme Pauline Godet le 12 mai. Elle interviendra en sa qualité de présidente du Sivom du Valromey.

Arrêt des centrales nucléaires allemandes : comment font-ils ?

Nos amis allemands (comme on dit) ont finalement choisi de débrancher leurs dernières centrales nucléaires le 15 avril. Ceci, contrairement à ce qui semblait se dessiner depuis quelques mois, et à ce que nous avions écrit ici même.

On serait tenté d’en conclure que sortir du nucléaire, et pourquoi pas des combustibles fossiles, en leur substituant des énergies renouvelables non émettrices de CO2, c’est possible.

Il faut y regarder de plus près.

En 2022 la production électrique allemande à base de charbon-lignite-pétrole avait diminué de 91 TWh par rapport à 2015.

En 2022 la production électrique allemande d’origine nucléaire avait diminué de 54 TWh par rapport à 2015.

Donc au total une diminution de 145 TWh des productions maudites. Comment a-t-elle été rendue possible ?

L’éolien et le photovoltaïque ont apporté moins de la moitié du nécessaire : 70 Twh de plus.  Les 75 TWh restant sont venus d’une part d’une réduction de 65 TWh de la production totale (car l’Allemagne produisait nettement plus que ses besoins et était donc fortement exportatrice), d’autre part d’un recours plus poussé au gaz naturel (+ 16 TWh) le solde venant d’une petite variation à la baisse de diverses sources secondaires.

En résumé on a surtout réduit la production globale. Le solde exportateur de l’Allemagne étant encore de 18,6 TWh en 2022, soit la moitié de la production d’origine nucléaire, on peut imaginer qu’il sera assez facile de compenser l’arrêt du nucléaire par l’arrêt des exportations, voire un peu d’importation d’électricité norvégienne.

Il sera plus compliqué de sortir des combustibles fossiles, en particulier du gaz dont la place s’affirme et se renforce en dépit de l’affaire ukrainienne, car chacun sait que les énergies renouvelables « propres » (sauf l’hydraulique qui compte peu) sont susceptibles d’énormes évanouissements d’origine climatique que le gaz seul peut compenser.

Actualité du mois de mars 2023

Depuis le 1er mars il s’est passé bien des choses. Nous avons parcouru un nombre respectable de kilomètres, aidés par certains membres de ProBugey que nous remercions encore, pour distribuer dans les boites aux lettres du Valromey quelque 700 tracts afin d’informer la population de la menace d’un parc éolien. Cette opération de communication « à l’ancienne » a été concomitante de la création de ce site web (www.arbramo.com, mais vous le savez bien puisque vous êtes en train de le lire !) dont le but est de donner des informations de fond. Concomitante aussi d’interventions sur les réseaux sociaux, relayées par ceux des amis.

Résultat : des dizaines de témoignages de sympathie ou d’appui, généralement reçus au fil des jours sur l’adresse notrevalromey@orange.fr. Un courant tranquille mais régulier et plutôt surprenant car il infirme certaines opinions à propos de l’indifférence de la population locale. La décision était prise de réunir ces gens pour structurer le mouvement. La date et l’heure choisies (vendredi 31 mars à 19 heures à Ruffieu) n’étaient pas commodes pour beaucoup, mais aucune n’était idéale. Donc, nouvelle fournée de kilomètres pour inviter à cette réunion.

40 personnes présentes, une trentaine excusées, après un échange de vues agréable et évitant l’agressivité inutile, les statuts de l’association « Notre Valromey » étaient adoptés. Il reste à en faire la déclaration officielle et matérialiser les adhésions. Et surtout il faut informer encore et toujours afin que tous mesurent mieux les enjeux. N’hésitez pas à lire la page « Foire aux questions » de ce site !

Pour sa part M. le Maire de Ruffieu déclare à la presse vouloir consulter largement et rechercher le consensus (il semble que ce mot ait été prononcé). Il faudra voir où cela nous mènera, une sortie « par le haut » de ce projet serait extrêmement souhaitable.

La suite au prochain numéro …

Edmond Varenne  

Extrait du PV officiel de la réunion du 1er février 2023 du conseil municipal de Ruffieu

Synthèse des 2 présentations « projet éolien ».

« Après ces deux présentations (le 18/11/2022 par Mme Christelle Pagès pour RP Global, et le 2/12/2022 par M. Louis Louvet pour la société Éléments) divers organismes ont été contactés comme l’aviation civile. Le mât de mesure de la densité du vent reste du domaine du possible.

Monsieur le Maire demande à l’assemblée de se positionner quant à la possibilité de continuer les études. Un débat s’engage, prenant en compte les problématiques d’énergie actuellement rencontrées.

La commune de Ruffieu se trouvant dans le cadre d’une potentielle fusion, la concertation avec la commune nouvelle de Haut-Valromey est impérative avant toute décision.

Dans cet intervalle une demande est faite pour permettre de visiter des sites éoliens déjà existants ».

Sur la base de ce texte un peu flou (on se demande en particulier ce que peut bien signifier une phrase comme « Le mât de mesure de la densité du vent reste du domaine du possible ») on ne peut que conclure que tout est suspendu à l’opinion que les élus d’abord, les habitants ensuite, du Haut-Valromey, auront sur ce projet. Ce que ne dit pas le PV c’est que le tour de table demandé par le Maire a permis de compter , sur 10 conseillers présents , 8 pour et 2 contre la poursuite des études.

Eolien (et photovoltaïque) : solution, ou impasse ?

A propos du livre de Cédric Philibert : « Eoliennes, pourquoi tant de haine ? »

Jusqu’aux années 2015-2020 les systèmes de production électrique à base de  vent ou de soleil ont été jugés assez favorablement par l’opinion française. Ensuite on a pu noter chez celle-ci un certain trouble, voire un retournement. D’abord parce que les premiers déploiements importants de parcs éoliens ont concrétisé leur impact désagréable, parfois dévastateur, sur les paysages du monde rural : on a mesuré du regard ce que cela donnait dans la « vraie vie ». Ensuite parce que l’action médiatique de certaines personnalités a conforté ceux qui résistaient à ces nouveaux moulins à vent sans être bien sûrs d’avoir raison.

Parmi ces personnalités, la plus crédible fut Jean-Marc Jancovici, ingénieur bien au fait des aspects techniques des questions d’énergie et médiatiquement très habile. La BD qu’il a coécrite sous le titre « Un monde sans fin » a été, toutes catégories confondues, l’ouvrage le plus vendu en France en 2022. Son compte Linkedin a plus de 600 000 abonnés. Du côté des partisans des énergies renouvelables on a tardé à le prendre au sérieux, se contentant de dénoncer en lui un lobbyiste du nucléaire, et puis on vient de se rendre compte qu’il fallait contre-attaquer.

Le fer de lance de cette contre-attaque est actuellement Cédric Philibert, un diplômé de Sciences-Po Grenoble qui, passant d’abord par le journalisme, fit ensuite une carrière d’analyste dans divers instituts en se spécialisant dans les questions du climat et des ENR. Il vient de publier (relayé par le magazine Alternatives économiques qui en a donné les bonnes feuilles) un livre intitulé « Éoliennes, pourquoi tant de haine ? ». 

Ce livre veut « réhabiliter les renouvelables ». Il a le mérite de montrer aux opposants aux parcs éoliens que leurs arguments sont parfois un peu trop schématiques. Le monde est compliqué, les situations des différents pays ne se ressemblent pas, les solutions varient selon la conjoncture historique. On y reviendra.

Pour défendre l’éolien, Cédric Philibert s’en prend d’abord à ceux qui ne l’aiment pas. Grosso modo il les accuse d’être surtout des réactionnaires partisans du nucléaire. Citons : « Intellectuels et personnalités médiatiques, lobby nucléaire et extrême droite… ont déclaré la guerre à l’éolien, accusé de tous les maux » …  « Le soutien au nucléaire vire alors au nationalisme le plus étroit, mâtiné de défense des ruraux contre les élites urbaines et la finance internationale… » « On constate très souvent aujourd’hui que les adversaires acharnés de l’éolien sont aussi des défenseurs passionnés – et exclusifs – du nucléaire ». Un éolien attaqué par des gens aussi méchants a forcément quelque chose de bon. Stratagème un peu usé mais ça peut encore marcher.

Il y a plus intéressant. On sait que l’un des arguments des anti-éoliens est que, s’agissant d’un mode de production très intermittent, il ne peut être efficace que s’il est combiné à des moyens classiques que sont l’hydroélectrique, les centrales thermiques brûlant des combustibles fossiles, ou les centrales nucléaires. Si on refuse le nucléaire, et sachant qu’il n’y a pas grand-chose de plus à tirer de l’hydroélectrique, on aboutit à ce paradoxe que développer l’éolien, c’est développer ou au moins consolider les centrales thermiques, précisément les plus réactives qui marchent au gaz. Donc on ne peut simultanément sortir du nucléaire et se lancer dans l’éolien sans conserver voire augmenter de notables émissions de CO2.

Et bien non, affirme Cédric Philibert : « Il n’existe pas de difficultés réelles avec la variabilité [il veut  dire l’intermittence] du solaire et de l’éolien au niveau où ils se situent aujourd’hui… et même bien au-delà. En outre, aussi surprenant que cela puisse paraître, l’électrification des bâtiments, de l’industrie et des transports facilitera l’intégration des énergies renouvelables variables en apportant de nombreuses flexibilités nouvelles : batteries des véhicules électriques, systèmes de stockage de chaleur et de froid, électrolyseurs, etc. »

En effet, c’est le cœur de sa thèse, on ne pourrait, en France, se passer d’éolien et de solaire qu’en maintenant la large prépondérance du nucléaire dans une production électrique de niveau constant. Or c’est impossible car le nucléaire c’est mal. De plus, pour décarboner l’économie dans son ensemble il faut très largement électrifier plein de choses, en particulier les transports. Aller vers un parc automobile 100% électrique suppose d’augmenter largement la production électrique actuelle. Pour y parvenir avec beaucoup moins de nucléaire il faudra (sans jeu de mots) faire feu de tout bois, donc quadrupler la puissance éolienne à terre.  

Quadrupler, ce serait trop ? Non. Après être allé au concours Lépine des innovations technologiques, Cédric Philibert balaye d’un revers de mains les craintes des opposants, présentés comme vieux, ringards et égoïstes : « En réalité les inconvénients de l’éolien sont extrêmement minimes au regard des bénéfices environnementaux attendus (…) Le seul véritable préjudice est esthétique : on aime ou on n’aime pas cette transformation des paysages, surtout si l’on ne perçoit pas qu’il s’agit d’un message d’espoir envoyé aux jeunes générations…. Notre potentiel s’élève à 80 Gigawatts au moins d’énergie éolienne terrestre, affectant (sans l’accaparer loin de là) moins de 2% de la superficie métropolitaine… [ce qui « affecterait », comme il dit, quand même l’étendue de deux départements !].

En résumé deux positions s’affrontent : celle d’un Philibert, qui pense que l’avenir réside dans une économie encore croissante mais peu émettrice de gaz à effets de serre grâce à une intense électrification à base d’énergies renouvelables, ou celle d’un Jancovici qui estime que la seule solution serait de s’abstenir de la fuite en avant technologique et de redevenir frugal.

En faveur de la thèse de Philibert, il y aurait – apparemment – le cas allemand. En 2011 l’Allemagne a décidé de sortir du nucléaire, en même temps qu’elle voulait diminuer son recours aux combustibles fossiles. Si on compare ses chiffres de production de 2010 et de 2019 on a le sentiment qu’elle pouvait le réussir. Sur une production électrique totale de 635 TWh en 2010, charbon et lignite en produisaient 263, et seulement 172 en 2019. Le nucléaire est passé de 141 TWh à 75. Pour compenser cette baisse de 157 TWh, l’éolien et le solaire ont apporté bravement 120 TWh de plus. Le brûlage de biomasse et de déchets (renouvelables mais émetteurs de CO2, on oublie souvent de le dire) a été accru de 16 TWh. Les 21 TWh qui manquent encore ont été trouvés en diminuant les exportations et grâce à un effort d’économie. Vous voyez bien qu’on peut le faire, nous dit Philibert.

Certes, mais un détail est intéressant : les Allemands n’ont pas touché aux centrales à gaz, qui produisaient autant (90 TWh) en 2019 qu’en 2010. Et même un peu plus en 2020 malgré la Covid. Le pivot de leur stratégie c’est bien la centrale à gaz, et voilà pourquoi, début 2022, on allait à la fois ouvrir le gazoduc NordStream 2 et déclarer le gaz « énergie verte »… juste avant que la guerre n’éclate. Alors faute de gaz russe, et les gisements éoliens étant déjà largement exploités, il a fallu récemment réveiller les projets d’extension des mines de lignite à Lützerath et Hambach, contrairement aux espoirs des écologistes locaux, prestement délogés par la police. Et repousser de plusieurs années la fermeture de quelques centrales nucléaires.

Rien n’est aussi simple que l’affirme Cédric Philibert, et tout se complique…