De l’effet magique des pourcentages

Dans les premières semaines de 2024, et même parfois dès les derniers jours de 2023, dans le Landerneau des énergies nouvelles résonna l’annonce de la divine surprise : pour la première fois en Allemagne la production d’électricité à partir de source renouvelables dépassait la barre symbolique des 50%.

On parlait tantôt de 52%, tantôt de 55 voire de 57%.

Puisqu’on vous le disait qu’on arriverait un jour, et sans nucléaire, à produire de l’électricité totalement propre.

Qu’en est-il réellement ?

D’abord il faut garder à l’esprit que « renouvelable » n’est pas forcément équivalent à « vert ». La biomasse (le bois, la méthanisation, tout ça) est considérée comme renouvelable mais émet des gaz à effet de serre, justement ce qu’on voudrait éviter. Idem pour les méthodes classées pudiquement dans la rubrique « autres » et qui sont essentiellement des brûlages de déchets. Si des 57% d’électricité « renouvelable » on soustrait les 8% de « biomasse » et les 6% de « autres » on ramène le pourcentage d’énergies renouvelables vertes à 43%. On est nettement en dessous des 50%.

Ensuite il faut se méfier des présentations de chiffres sous forme de pourcentages. Churchill disait qu’il y avait trois degrés dans le mensonge : le mensonge simple, le gros mensonge, et pire, la statistique. J’ajouterais que, vraiment diabolique, il y a la statistique en pourcentages.

Comment concrètement, et en térawatts/h, a évolué la production électrique allemande entre 2019 (avant le Covid) et 2023 ?

La production à base de fossiles est passée de 266 à 217 TW, soit une baisse de 49 TW. La production nucléaire est passée de 75 à 7 Tw, soit une baisse de 68 TW. Au total les méthodes « maudites » ont perdu 117 TW.

Sachant que la biomasse et les « autres » sont restées quasiment stables au niveau plutôt modeste de 70 Tw, le développement des énergies renouvelables vertes aurait dû, toutes choses égales par ailleurs, produire les 117 TW manquant. Or on en est loin. L’hydroélectricité n’a pas varié. L’éolien n’a donné que 12 TW de plus, et le photovoltaïque 16. Donc 28 TW de progression de l’énergie verte pour 117 TW de recul des énergies sales, il nous manque 89 TW.

Comment a fait l’Allemagne pour survivre avec ce trou de 89 TW ? Une analyse plus fine des chiffres montre qu’elle a économisé 39 TW (comment ? probablement en délocalisant vers la Pologne certaines industries) et qu’elle s’est procuré les 50 autres TW en important de l’électricité (notamment de France où elle est nucléaire et de Pologne où elle est charbonneuse à souhait) alors qu’autrefois elle en exportait.

Voilà ce qui s’appelle refiler une partie de ses problèmes aux voisins.

Pour conclure, refaisons les divisions. En 2019 L’Allemagne produisait 608 TW dont 197 « propres » (vent, soleil, eau) soit 197/608 = 32%. En 2023 elle produisait 515 TW dont 225 « propres », soit 225/515 = 43%. Cette progression des pourcentages étant surtout due à la baisse du dénominateur dans la division puisqu’il passe de 608 à 515. S’il était resté le même, la part des énergies vertes serait passée de 32 à 37%, et non 43% C’est cela l’effet magique et menteur du pourcentage.

(Tous les chiffres cités viennent de Wikipedia , « électricité en Allemagne »).

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